15 octobre 2011

Tropique des Silences de Karla Suárez

Titre original : Silencios

Résumé :
La vie d'une jeune fille puis femme à La Havane, des années 70 aux années 90, entourée de sa famille dysfonctionnelle et de ses amis avec lesquels elle refait le monde, goûte à la drogue, et alors que le système politique et économique cubain s'effondre.




Mon avis :
Vous savez combien j'affectionne les rendez-vous que nous donne Everkhorus tous les 3 ou 4 mois avec ses Destinations. Cela me permet de découvrir des auteurs de nationalités que je lis peu (ou pas du tout !) et de sortir des sentiers battus. Et je dois dire que pour le moment, ces destinations m'ont plutôt réussi (à part peut-être mes lectures islandaise et Colombienne). C'est encore le cas ici avec un roman très attachant sur une Havane qui n'existe plus.

Née à la fin des années 60, grandissant dans les années 70 et 80, la narratrice nous emmène dans La Havane de sa jeunesse, quand la vie y était encore douce malgré la dictature politique. Vivant dans un grand appartement au milieu d'un père officier militaire, d'une mère argentine aimant le tango, d'une tante maniaco-dépressive, d'un oncle masseur et d'une grand-mère toute-puissante, elle va fuir cette famille dysfonctionnelle pour se tourner vers des amis de son âge qui refont le monde, rêve de partir et se perdent dans les drogues. Finalement, elle va découvrir que le silence et la solitude lui conviennent le mieux.

C'est un peu compliqué de faire un résumé de ce livre car il s'agit plus de tranches de vie que d'une véritable histoire et de plus, on ne connait jamais le nom de la narratrice. Du coup, c'est plus difficile d'en parler. Non pas que ce soit gênant au cours de la lecture, je vous rassure. On arrive même à se demander si ce ne serait pas l'auteur... Mais quand on lit sa biographie, on s'aperçoit que si elle s'est sûrement inspirée de son vécu, elle a créé un personnage qui n'est finalement pas elle.

De Cuba, je ne connais pas grand chose, à part son dictateur, sa Baie des cochons, ses émigrés en Floride, sa Salsa, le Buena Vista Social Club, son tourisme, sa pauvreté. J'étais donc ravie de lire un roman se passant dans ce pays. On découvre donc Cuba dans les années 70 et 80, vivant en complète dépendance de l'Union Soviétique et dont la chute de cette dernière sera la cause de l’effondrement du système cubain. La Perestroïka a privé le pays de ses principaux partenaires commerciaux et avec l'embargo des États-Unis, l'économie cubains s'est effondrée.

Mais auparavant c'est un Cuba que nous ne connaissons pas vraiment qui nous est conté, un pays où malgré la dictature on vit comme ailleurs à cette époque-là, avec des enfants et jeunes gens qui vont à l'école, puis au lycée et à l'université, des jeunes qui sortent, boivent, fument, refont le monde. Même si on sent la solitude et la détresse d'une certaine partie de la population en arrière-plan (personnalisée par Dieu, un ami de la narratrice), je n'ai pas senti de réelle différence avec la jeunesse d'autres pays à la même époque. Bien sûr, beaucoup rêvent de partir mais la plupart sont encore dans l'utopie de leur âge. C'est ensuite que ça s'est dégradé... Mais je ne veux pas en parler davantage pour ne pas dire de bêtises sur un sujet que je ne maîtrise pas.
Ça c'est pour la partie générale du roman.

En ce qui concerne l'histoire et la vie de la narratrice, j'ai beaucoup pensé au film Frida Kahlo, immense peintre mexicaine des années 30-40 dont je suis très fan (j'ai eu l'occasion de visiter sa maison près de Mexico). Une petite fille puis une jeune fille atypique, fougueuse, intense et exaltée. La façon dont la famille vit me rappelle celle de Frida également. C'est d'ailleurs amusant parce que dans Tropique des Silences, la narratrice appelle son chat, Frida en hommage à Frida Kahlo. Bref, j'ai beaucoup aimé l'histoire de cette famille faite de bric et de broc, pleine de secrets et dont les membres sont contraints de vivre sous le même toit et parfois dans la même chambre et vue à travers les yeux de cette jeune fille qui n'aspire qu'à autre chose.

Il se dégage de son récit un charme indéniable qui rend le roman très attachant. Je dois dire qu'au fil des pages, j'ai de plus en plus aimé son histoire, même si, on le sent, tout n'est jamais très facile pour elle qui a l'air détachée, parfois lointaine...

Cette narratrice est d'ailleurs un drôle de personnage. Elle regarde le monde qui l'entoure comme si c'était parfois une gangrène mais elle ne s'en échappe pas non plus. Ou si elle le fait c'est pour aller avec des gens sur lesquels elle porte un regard aussi lucide que distant et c'est finalement dans le silence et la solitude qu'elle s'accomplit. Je parlais de Frida plus haut et si elle m'y a fait penser, c'est aussi parce que, à l'instar de la mexicaine, notre cubaine se réfugie dans l'art. Frida c'était la peinture, et la narratrice c'est dans l'écriture et la poésie. J'ai beaucoup aimé ce côté-là du personnage.

Parmi les autres personnages, difficile de vous parler de tous, vous devez lire le lire pour faire leur connaissance mais j'ai bien aimé la mère, fantasque, ou le meilleur ami de la narratrice, Quatre, amoureux transi de la première heure mais toujours présent. J'ai trouvé ce personnage toujours fidèle à son amie très touchant.

Concernant le style, c'est parfois sec, abrupt et je dois dire d'ailleurs que je m'étonne d'avoir autant aimé ce livre. Mais il est sincère et je pense que c'est qu'on ressent à la lecture et ce qui prime. C'est très doux-amer.

En conclusion, c'est encore un bien beau voyage que j'ai fait grâce à Evert et son destination et cette jeune cubaine me suivra encore longtemps. Et si vous voulez savoir comment était la vie à La Havane avant l'effondrement du bloc soviétique, lisez-le. Quant à moi, je vous donne rendez-vous pour un prochain Destination... !

Note :



C'était donc Destination... Cuba organisé par Evertkhorus. Retrouvez les lectures de mes autres compagnons de voyage : Mimi54 et (une 2e lecture), Véro, Pomm, Paikanne, Lynnae, A propos des livres, Julien le naufragé, Roz


L'auteur, Karla Suárez, est née à la Havane en 1969. Outre son métier d'écrivain, elle est aussi ingénieur en informatique. Après avoir vécu à Rome et Paris, elle réside actuellement à Lisbonne. Tropique des silences à été adapté au théâtre en France en 2010.

11 commentaires:

  1. très beau billet.
    Et bravo pour l'originalité

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  2. Tu es la plus enthousiaste pour l'instant et ton billet donne envie de découvrir ce titre !

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  3. Une bien belle chronique effectivement...

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  4. Je suis tentée aussi grâce à ton billet ^^

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  5. Il a l'air intéressant celui-là... :)

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  6. Ca a l'air super Frankie... merci de cette belle découverte et de tes participations assidues! ;)

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  7. @Mimi, merci ! J'ai essayé de trouver un auteur qui me "parlait".

    @Véro, merci !

    @Paikanne, merci !

    @Lynnae, ça me fait plaisir.

    @Mélo, oui !

    @Evert, c'est toujours un plaisir et merci à toi d'organiser ces voyages.

    Merci pour vos commentaires !

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  8. Ton billet est très intéressant et pour moi ce voyage à Cuba à travers les lectures des autres me donne envie de prolonger le voyage avec de nouvelles lectures...

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  9. C'est un pays intéressant et envoûtant et c'est agréable de le découvrir via des auteurs du cru. Merci pour ton commentaire.

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  10. Mais c'est bien tentant dis moi. Surement plus poétique que mon Gutiérrez ;-) Merci pour cette découverte

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  11. Poétique, je ne sais pas, c'est souvent assez sec, mais pas aussi cru que Gutiérrez ! :) Merci pour ton commentaire, Julien !

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