14 août 2010

Destination Afrique du Sud : Une saison blanche et sèche d'André Brink

Titre original : A Dry White Season

Résumé :
1979, Ben Du Toit, un instituteur Afrikaner veut savoir la vérité sur la mort trouble du jardinier noir de l'école, Gordon Ngubene qui enquêtait sur la disparition de son fils Jonathan. Il veut savoir pourquoi les versions officielles ont occulté la vérité et ce qu'il s'est réellement passé pendant les émeutes de Soweto. De père tranquille, Ben va se transformer en un être épris de justice aidé en cela par la jolie journaliste Mélanie. Mais au pays de l'Apartheid, il ne fait pas bon poser trop de questions...

Mon avis :
Quand il s'est agi de choisir un livre pour le Destination Afrique du Sud d'Evertkhorus, j'ai tout de suite pensé à ce livre écrit en 1979. Non pas parce que j'avais déjà lu cet auteur mais parce qu'un film américain avait été tiré de ce livre en 89, réalisé par la française Euzhan Palcy et que, même si je ne l'ai pas vu, le titre et le sujet m'ont toujours intéressée. Donc le choix du livre fut facile même si en période pré-coupe du Monde, début juin, je n'aurais eu aucun mal à trouver un autre auteur sud-africain. J'ai bien essayé mais non, j'avais envie de lire ce livre et c'est ce livre-là que je lirais pour le challenge ! :)
À l'arrivée, Une saison blanche et sèche est un bon livre, âpre et sombre qui, dénonce les méfaits de l'Apartheid.

L'histoire est donc celle de Ben Du Toit, un afrikaner d'une cinquantaine d'années, qui mène une vie tranquille  de blanc privilégié, avec sa femme et ses 3 enfants. Il est instituteur et ne s'est encore jamais vraiment beaucoup posé de questions sur la situation en Afrique du Sud. Pour lui, il existe deux communautés, une blanche et une noire et les deux cohabitent sans ce mélanger. Pourtant, le jour où le jardinier de l'école qu'il a pris en amitié disparaît après avoir enquêté sur la disparition de son fils lors des émeutes de Soweto, il prend conscience des exactions commises par ses pairs envers la population noire. Épris de justice, il va alors à son tour se lancer dans une enquête éperdue. Contre lui, sa famille, l'Apartheid, et la terrible Section Speciale et le dangereux capitaine Stolz qui n'hésite pas à user de menaces. Avec lui, Stanley, un chauffeur de taxi noir et Mélanie Bruwer, une journaliste. Au mépris même de sa vie, Du Toit va vouloir savoir ce qu'il s'est passé derrière les murs de John Vorster Square...

Voilà un livre pas facile à lire... Non pas qu'il soit compliqué mais lire un roman traitant des exactions de l'Apartheid en plein mois d'août, quand on est en vacances et sur la plage, n'est franchement pas évident. :) Mais je dois reconnaître que la force de ce roman est justement de se lire envers et contre la légèreté du moment...

C'est un témoignage coup de poing sur une époque sombre de l'histoire de l'Afrique du Sud, quand la minorité blanche dominait la majorité noire. Ce livre a beau être un roman de fiction, il ne s'ancre pas moins dans une réalité sordide où, effectivement, la police a torturé et tué des gens sous prétexte qu'ils les considéraient comme des inférieurs et ne voulaient leur accorder aucun droit. Tout cela sous l'oeil indifférent ou méprisant de la population Afrikaner.

Avant de lire ce livre, on ne peut imaginer vraiment ce que fut l'Afrique du Sud du temps de l'Apartheid. Bien sûr, on a tous en tête la ségrégation, les émeutes de Soweto, le boycott international mais je n'imaginais pas un état aussi policé où, si vous ne marchiez pas droit, vous attrapiez un "accident". Et pire encore si vous aviez le malheur d'être noir et de vouloir avoir quelques droits.

Ben du Toit va en faire l'amère expérience. On sait d'emblée ce qui va lui arriver et le livre traite donc du cheminement de l'instituteur depuis son amitié avec le jardinier Gordon jusqu'à son accident mortel... Lui qui était un homme plutôt tranquille va se faire justicier pour découvrir la vérité et il s'en tiendra à sa ligne de conduite avec pugnacité malgré sa famille qui lui tourne le dos, malgré le scandale, malgré les gens qui ricanent de lui ou le méprisent. C'est un homme droit qui aimerait que tous les hommes soient égaux et qui découvre que beaucoup sont prêts à tout pour que ce ne soit pas le cas.

Ben du Toit est un être assez surprenant. C'est un être plutôt effacé et falot au début, considéré comme tel par ses proches, d'ailleurs, et qui fait preuve d'une force et d'une détermination tout à son honneur puisque Gordon ne lui était rien et qu'il se retrouve pris dans un engrenage infernal tout simplement parce qu'il veut savoir la vérité dans un pays où il ne fait pas bon la dire... Il découvre pendant son enquête tout un peuple qui vit à ses côtés mais sans jamais se mélanger et s'aperçoit qu'ils ne sont finalement pas si différents de lui.

Malgré cela, j'ai eu du mal à m'attacher à ce personnage. J'ai eu l'impression de rester simple spectatrice face à son combat. On le suit avec intérêt et dégoût face à la cruauté des hommes mais sans passion non plus. C'est sans doute dû au caractère du personnage mais aussi à la façon dont l'histoire est racontée. C'est une enquête minutieuse, âpre comme je l'ai dit au début et qui laisse peu de place à l'émotion.

Susan, la femme de Ben est une femme aigrie et déçue. Elle a mis de côté ses ambitions et regrette que son mari ne soit qu'un petit instituteur. Elle ne lui est d'aucune aide dans son combat. Je ne l'ai pas trouvée très agréable mais d'un autre côté, on peut comprendre qu'elle soit peu encline à aller contre le pouvoir en place quand on voit la façon dont la Section Spéciale s'occupe des indésirables. Son attitude et celles des proches du couple Du Toit, que ce soit la famille ou les proches sont représentatifs de bien des Afrikaners de l'époque.

J'ai beaucoup aimé Stanley, le chauffeur de taxi noir qui aide Ben malgré lui au début puis avec respect ensuite. Plein de préjugés envers l'oppresseur blanc, il ne demande qu'à haïr Ben mais il va s'apercevoir qu'ils ne sont pas si différents l'un de l'autre quand il va apprendre que, comme lui, Ben a grandi dans une ferme et a gardé des moutons.

Le personnage de Mélanie est, à mon avis, un peu inutile et l'histoire d'amour entre elle et Ben l'est tout autant. Son père est plus intéressant.

Le personnage du Capitaine Stolz est odieux et les confrontations entre les deux hommes glaçantes mais il est finalement peu développé puisque le livre est du point de vue de Ben.

Le livre est très bien écrit, le style est agréable à lire même si assez sec. L'auteur a adopté deux principes de narration. L'un raconté par un écrivain, ancien ami de Ben et dépositaire des documents récoltés pendant l'enquête de celui-ci. L'autre sous forme de journal écrit à la première personne du singulier et du point de vue de Ben. J'avoue ne pas avoir très bien compris cette alternance qui n'intervient qu'au cours du roman alors que toute une grande partie est racontée par l'écrivain. Mais, ce n'est pas non plus très déstabilisant.

En conclusion, malgré quelques longueurs parfois, c'est un livre essentiel pour comprendre ce que fut l'Afrique du Sud au plus sombre de son histoire. Sans être un excellent roman, il prend aux tripes et donne à réfléchir sur la capacité des hommes à se dépasser pour l'amour de la vérité et de la justice et ce malgré les menaces et les intimidations. Nul doute que des Ben Du Toit ou des Mélanie Bruwer ont contribué à la chute de l'Apartheid.  Et si vous voulez savoir si Ben Du Toit réussira à savoir la vérité, lisez-le à votre tour.

J'ai donc lu ce livre dans le cadre du Challenge Destination Afrique du Sud d'Evertkhorus et je suis bien contente d'avoir eu l'occasion de découvrir enfin cet auteur dont j'avais entendu parler il y a longtemps. Je ne suis pas contre lire un 2e roman de lui.



Note :



Vous pouvez lire d'autres Destinations Afrique du Sud chez Setsuka, Mr. Zombi, Antigone37 , Alice, Mélopée, 100choses, Véro, Lynnae, Pickwick, Flof13, Ladyscar, Iluze, Bambi_slaughter, Djak, Mamoun, Myrddin, Mimi54, Hilde, Lelf  (avec un 2e ouvrage) et Marie L.

14 commentaires:

  1. Comme tu dis, ce roman prend vraiment aux tripes. J'ai continué d'y penser bien après la lecture.

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  2. Bon, tu confirmes ma première impression suite au billet lu chez Hilde : il faut que je le lise. Plus tard certainement, mais il est noté !

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  3. Je l'ai lu il y a peu, comme toi je n'en ai pas trouvé la lecture facile. ça fait réfléchir, sur nos propres prises de position.

    Je ne m'étais pas demandée si le personnage de Ben m'était sympathique... Sans doute que non. C'est vrai qu'on reste un peu "à l'extérieur".

    J'ai lu et aimé aussi au coeur de ce pays, de Coetzee. Mais je n'avais pas connaissance du challenge. Tant pis ^^

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  4. Dommage Soundandfury, peut-être que tu nous rejoindras pour la prochaine étape du challenge!

    En tout cas Frankie, tu sembles avoir fait un bon choix aussi, même si la lecture fut difficile. Il a l'air très intéressant.

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  5. J'avais également choisi ce livre. Je ne suis pas arrivée à la fin de la lecture. Trop poignant pour moi... Comme tu le dis si bien "il prend aux tripes" !

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  6. @Hilde, j'ai quand même été contente de le terminer car j'avais envie de lectures plus légères !

    @Pickwick, j'espère qu'il te plaira si tu le lis.

    @Soundandfury, ah oui dommage que tu n'aies pas participé au challenge ! Je ne connaissais pas Coetze avant d'en entendre parler aujourd'hui ! :)

    @Evert, oui, je suis très contente d'avoir lu ce roman que je voulais lire depuis longtemps. Merci de m'en avoir donné l'occasion.

    @Myrddin, dommage que tu te sois arrêtée en route !

    Merci pour vos commentaires !

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  7. Je ne pense pas le lire mais l'histoire de ce pays m'intéresse beaucoup

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  8. Merci pour ton commentaire, Lexou !

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  9. J'ai beaucoup aimé ce livre, et ce, même en plein mois d'août!!!! Ce prof qui lentement va se battre pour la justice est magnifique. L'écriture est de plus majestueuse!

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  10. Un très beau livre, en effet !

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  11. Et la réaction de sa fille, qu'en as-tu pensé ? Je n'en ai pas parlé dans mon billet mais j'étais écoeurée ...

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  12. J'ai été écoeurée comme toi !
    Merci pour ton commentaire, Véro !

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  13. J'ai aime le style , mais la passion qui vient en lisant manquait.. xoxo

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  14. C'est une histoire âpre donc c'est vrai qu'il peut être difficile de s'immerger dedans. Merci pour ton commentaire, Anonyme.

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