25 mars 2016

Le ventre de l'Atlantique de Fatou Diome

Résumé :
Sur l'île de Niodior, au Sénégal, le jeune Madické rêve de devenir une star du football afin de pouvoir quitter sa vie miséreuse et surtout venir jouer en Europe, notamment en Italie où évolue son joueur fétiche. Mais Salie, sa soeur, qui vit à Strasbourg depuis des années, sait que l'Occident n'est pas l'Eldorado que tous les Africains convoitent... 




Mon avis :
Cela faisait bien longtemps que j'avais ce livre dans ma Pal. Je l'ai acheté lors de sa sortie en poche, en 2005, il y a plus de 10 ans donc. À l'époque, il avait fait parler de lui et j'avais eu envie de le lire. Et puis, comme pour beaucoup de mes livres, il est resté dormir dans ma Pal. Cette année, je l'ai donc mis dans ma liste du Challenge ABC et j'ai donc pu découvrir ce roman, en partie autobiographique, sur les envies d'immigration des Africains. Une histoire sans concession mais racontée de fort belle manière.

Sur l'île de Niodior, au Sénégal, les habitants vivent chichement, oubliés des autorités de Dakar, et rêvent de partir en Occident où ils pensent faire fortune, comme le prouve l'Homme de Barbès revenu de France en nabab. Salie, elle, est partie il y a longtemps et sait ce qu'est la vie en France, l'humiliation et le racisme et les difficultés d'avoir une vie décente quand on a la peau noire. Mais malgré ses mises en garde, son demi-frère, Madické, veut lui aussi tenter l'aventure. Passionné de football, il rêve d'être découvert et d'aller jouer en Italie où évolue Maldini, son joueur préféré.

Voilà un court roman qui en 254 pages abordent de nombreux thèmes. La vie dans les villages, laissés pour compte et où l'on envoie se perdre un instituteur qui doit se battre contre les préjugés, la tradition et la religion, la condition des femmes, mariées à des hommes et devant souvent faire face à la polygamie, et bien sûr cette envie, pour les jeunes, d'échapper à leur condition et à un avenir qui les fera devenir pêcheurs au mieux. Car ce n'est pas seulement le Sénégal qu'évoque Fatou Diome mais une petite île, miséreuse parmi les miséreuses. Alors bien sûr, ces jeunes n'ont qu'une envie, partir loin, vivre la vie qu'ils voient à la télévision où les stars du football sont adulés.

Le roman essaie de mettre en perspective ce miroir aux alouettes que représente l'Occident. J'ai vécu en Afrique noire, en Égypte également et maintenant en Tunisie, je sais que pour les Africains, l'Europe représente l'Eldorado et quand on leur dit que la vie est difficile, que ce n'est pas le graal, ils ont du mal à nous croire. Comment en serait-il autrement d'ailleurs ? Quand on vit dans un endroit misérable et qu'on voit à la télé tout un monde qui s'offre à soi, comment ne pas en rêver ?

Le roman a été écrit en 2003 et se passe pendant la coupe d'Europe de foot de 2000 mais il est encore bien d'actualité (et je ne parle pas des réfugiés qui affluent à cause de la guerre dans leurs pays...). C'était un triste constat alors, il l'est toujours et on s'aperçoit que la France Black Blanc Beur de 1998 a vite volé en éclats. Fatou Diome aborde sans concession la vie que vivent ces africains dans notre pays, les foyers Sonacotra, le racisme ordinaire. J'ai trouvé que l'auteur était un peu dure avec les français, qu'elle ne montrait que le mauvais côté des choses, mais d'un autre côté, je suis mal placée pour juger, ayant une vie douillette et privilégiée et on voit tous les jours combien ceux qui sont d'ailleurs sont traités... Elle charge également ces expatriés hommes qui viennent en Afrique faire les beaux, graveleux et dragueurs et ça je peux vous dire que c'est tout à fait réel. J'ai rencontré de tels personnages...

Le roman porte surtout sur la vie sur l'île de Niodior, à travers une galerie de personnages plus ou moins intéressants. À travers ces portraits, on pourrait penser que Diome se perd un peu mais j'ai beaucoup aimé certaines histoires.

À commencer par celle de instituteur que j'évoquais plus haut. Ndétare est un homme éclairé, qui se bat contre l'obscurantisme et qui pense que le développement d'un pays passe par l'éducation de ses enfants (ce en quoi il a tout à fait raison) et que si on doit partir c'est parce qu'on peut faire quelques choses avec nos neurones et non pas pour d'autres raisons futiles. C'est vraiment le personnage que j'ai préféré.

J'ai aussi aimé l'histoire de Sankéle, promise à un homme mais amoureuse d'un autre ou encore celle de Moussa, au destin tragique.

C'est difficile de discerner Salie, la narratrice. On voit une femme prise entre deux pays, deux cultures, étrangère quand elle revient sur son île, pas acceptée quand elle vit en France. Elle a une vie décente mais on voit que ce n'est pas toujours facile et qu'elle a la rage de n'être ni d'ici ni d'ailleurs...

Quant à Madické, son petit frère, c'est un doux rêveur auquel sa soeur va s'efforcer de mettre un peu de plomb dans la tête et de lui montrer qu'il y a peut-être mieux à faire au Sénégal que de venir trouver une vie par forcément meilleure en France.

Le roman tient à la fois du conte et du pamphlet et son écriture est à l'avenant, tour à tour poétique et engagée. Ce n'est pas une autobiographie à proprement parler mais cette histoire est fortement inspirée de la vie de Fatou Diome qui est née, comme Salie, sur l'île de Niodior, qui a préféré aller à l'école plutôt que de suivre le chemin tout tracé pour elle, en tant que femme, et qui, comme elle, a émigré en France pour suivre un époux français et en divorcer quelques années après et finir par vivre à Strasbourg. J'ai beaucoup aimé sa façon de raconter même si parfois elle saute un peu du coq à l'âne et que ça parle beaucoup (vraiment beaucoup) de football. Mais c'est un roman sincère, attachant, déchirant parfois.

En conclusion, voici un joli roman en partie autobiographie sur la vie sur une petite île du Sénégal et l'envie d'occident de ses habitants. Et si voulez découvrir, à votre tour, Salie, Madické, Ndétare, Moussa, Sankélé et savoir si Madické poursuivra son rêve de marcher sur les traces de son idole, Maldini, ou si ses rêves se transformeront en une autre destinée, lisez-le.

Note :



Ce roman fait partie du Challenge ABC 2016 de Nanet
9/26

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