27 mai 2017

La servante écarlate de Margaret Atwood

Titre original : The Handmaid's Tale

Résumé :
Dans un futur proche, une jeune femme raconte son quotidien dans une société totalitaire qui a pris le pouvoir aux États-Unis et déchu toutes les femmes de leurs droits...




Mon avis :
Sans la série télé qui vient de commencer, je ne sais pas si j'aurais lu ce livre. Je le connaissais de nom, même si avant je le confondais avec La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne qui raconte l'histoire d'Hesther Pryme, femme adultère dans l'Amérique puritaine, mais n'avais jamais eu envie de le lire. Et puis j'ai donc vu la bande-annonce de la série et je me suis dit qu'il fallait que je lise le roman avant. Et puis Arcaalea l'a lu et m'a définitivement donné envie de le découvrir. Au final, j'ai été glacée par cette histoire pas si fictionnelle que ça mais il m'a manqué quelque chose pour vraiment être passionnée.

Dans un futur proche, après des crises économiques et des catastrophes écologiques qui ont vu le taux de natalité chuter de façon dramatique, le gouvernement des États-Unis a été renversé et remplacé par un régime théocratique et militaire et le pays a pris le nom de République de Gilead. La constitution a été remplacée par les préceptes très stricts de l'Ancien Testament et les femmes ont été déchues de tous leurs droits et réparties en caste, Femmes, Bonnes et les Servantes, jeunes femmes fertiles destinées à la reproduction de l'espèce et habillée d'une longue robe rouge écarlate et d'une coiffe blanche. Chaque Servante est attribuée à une maison dans laquelle vivent un haut dignitaire, le Commandant et son épouse stérile, et le rôle de la Servante est de donner un enfant à ce couple après s'être accouplée chaque mois avec le chef de la maison lors d'un acte appelé Cérémonie. Une de ces Servantes, appelée Offred (DeFred en français car le maître de maison s'appelle Fred...) nous raconte son quotidien, dur, sans espoir et se rappelle sa vie passée auprès de son mari et leur fille, quand elle travaillait et vivait librement...

La servante écarlate est un roman dont on ne ressort pas indemne. Il révolte tout autant qu'il glace et fait prendre conscience de la chance qu'on a de vivre, pour le moment, dans une société où l'on a encore des droits, que l'on soit homme ou femme, mais surtout femme. Le roman a été écrit il y a plus de 30 ans, en 84 et sorti en 1985. À cette époque, post hippie, on n'imaginait pas que nos droits puissent être remis en cause. Même si aux États-Unis, l'ère Reagan battait son plein et certaines factions de la droite dure des Républicains prônaient un recul sur certains droits. À cette époque, l'auteur s'est surtout inspirée de ce qu'il s'était passée en Iran, qui a ravalé les femmes, qui étaient plutôt libres à cette époque, à des êtres dépendants, voilés et sans droits.

Trente ans plus tard, le roman de Margaret Atwood résonne bien différemment. Dans de nombreux pays, le nationalisme monte, la peur du terrorisme fait se replier les peuples sur eux-mêmes, les religions se radicalisent et les USA ont élu Donald Trump et sa cohorte de politiciens blancs ultra-religieux, qui voudraient interdire le droit à l'avortement aux femmes, leurs droits à la contraception, qui remettent en cause les droits des mouvements LGBT et coupent les dons aux associations et planning familiaux. Lisez le livre et vous verrez que La servante écarlate n'est plus tellement un roman d'anticipation. Tout comme 1984 d'Orwell l'est de moins en moins... Je ne dis pas que l'Amérique est sur le point de basculer vers une république de Gilead mais je dis qu'il faut être vigilant.

Vous comprendrez donc pourquoi à la lecture ce roman on ressort assez bouleversé. Car Offred, demain, ça pourrait être vous, ça pourrait être moi (ah moi, moi je suis trop vieille, je serais envoyée aux Colonies pour y mourir...). Et le quotidien d'Offred n'est pas une partie de plaisir croyez-moi. La jeune femme raconte minutieusement ce qu'il en est, la solitude, le fait de ne laisser ressortir aucune émotion, les viols à répétition chaque mois, car appelons un chat un chat. Mais il y a aussi ces souvenirs qui lui permettent de tenir, souvenirs de sa vie d'avant et l'espoir que peut-être, un jour, tout pourrait changer...

Et ce qui est révoltant, c'est que on voit qu'on a beau vivre sous un régime ultra religieux, les instincts des hommes ne sont jamais étouffés et ils s'arrangent toujours pour les assouvir d'une manière ou d'une autre, aux dépends de la dignité des femmes d'ailleurs...

Ce qui m'a empêchée de vraiment apprécié le roman, c'est la façon dont il est narré. Offred raconte sa vie de façon neutre, sans laisser paraître beaucoup d'émotion et du coup, on se sent un peu en marge de sa vie. C'est terrible certes mais j'ai manqué un peu d'empathie. Et on ne sait pas grand chose de ce qu'il se passe ailleurs (à dessein d'ailleurs puisque les femme ne doivent plus savoir lire ni connaître les nouvelles). On suppose ou plutôt devine que ce régime est circonscrit aux seuls États-Unis (il faut d'ailleurs voir les touristes japonaises visiter la ville où vit Offred) et il faut attendre plus de la moitié du roman pour savoir comment tout ça est arrivé. Et la fin, sous forme d'une conférence se passant une bonne centaine d'années après, éclaircit certains points.

On souffre beaucoup pour Offred, dont on ne connaît jamais le vrai prénom, contrairement à la série qui le donne (tout comme le nom du Commandeur, ou Commandant, n'est pas connu), car c'est un personnage qui a été libre et qui se retrouve enfermée dans un carcan et une idéologie du jour au lendemain. Elle m'a bien évidemment touchée, surtout pour sa façon de rester "libre" comme m'ont touchée OfGlen, une autre servante écarlate, sa binôme ou encore Moira, sa meilleure amie dans sa vie d'avant.

C'est difficile de se prononcer sur le Commandant et sa Femme, qui semblent faire partie du système mais ont aussi leurs fêlures. Mais c'est difficile de les plaindre... Et puis il y a Nick, le Gardien, chauffeur, homme à tout faire de la maison...

Ah et je n'ai pas parlé des Tantes, ces femmes psycho-rigides qui dressent les jeunes femmes à devenir de bonnes Servantes. Les scènes dans le Centre où Offred et Moira passent avant d'être postées dans des familles sont souvent dures.

Le roman est très bien écrit, pas très difficile à comprendre en anglais mais je l'ai dit, il m'a manqué un quelque chose dans cette écriture pour être vraiment emballée.

En revanche, je suis passionnée par la série télé. Pour le moment, 7 épisodes ont été diffusés et c'est une excellente adaptation. Elizabeth Moss joue une magnifique Offred qui garde toujours une touche de cynisme et une pointe d'humour dans ce qu'elle raconte ce qui la rend plus vivante que son double de papier. D'ailleurs j'ai l'impression que certaines règles sont un peu moins rigides que dans le roman mais ce n'est qu'une impression. Car la série est aussi glaçante et révoltante que le roman et chaque épisode me laisse en vrac et j'y pense des heures après.

En conclusion, je pourrais vous parler encore et encore de ce roman, de la série, des thèmes qu'il aborde et dont il est impossible de ressortir indifférent et que sera l'une des lectures marquantes de mon année, même si le style de narration m'a laissée un peu trop spectatrice (et c'est peut-être tant mieux). Mais ne peux que vous conseiller de le lire pour en découvrir la teneur ou de regarder la série et d'espérer que l'histoire que le roman raconte restera ce qu'il est : un roman d'anticipation et non pas un livre d'histoire un jour...

Note :



Le roman fait partie du Challenge Read in English 2016 - 2017 que j'organise
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11 commentaires:

  1. J'ai découvert cette histoire via le club de lecture féministe d'Emma Watson que je commence seulement à découvrir et suivre avec passion et je dois bien avouere que je n'aurai pas lu ce roman. En effet, la série n'a pas eu beaucoup de publicité.

    J'ai adoré ce roman d'un bout à l'autre et il m'a révolté autant qu'il m'a fait prendre conscience que mes droits en tant que femme peuvent facilement être réduits à néant. Il m'a donné presque envie de me battre pour eux, chose que je n'avais pas conscience avant. Le fait de vivre en Irlande où la religion tient encore une grande part dans le gouvernement et de pouvoir en discuter avec mes colocataires irlandaises m'a aussi fait prendre conscience de la chance que j'ai de vivre en France où le droit à l'avortement est encore une réalité.

    The Handmaid's tale est un livre qui résonne beaucoup, même encore aujourd'hui et qu'il faudrait beaucoup plus lire.

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  2. Je viens de commencer la série et ça me donne hyper envie de lire le livre !

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  3. C'est terrible parce que j'avais super envie de le lire mais tout ce que tu dis sur le côté glaçant et marquant me refroidissent énormément. Je vais le laisser dans ma wish en sachant tout ça et le prendrai à un moment où j'aurai le courage d'aborder des sujets difficiles.
    Merci pour cet avis passionnant.

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  4. Avec une chronique comme ça... aussi enthousiaste et complète, on ne peu que tenter l'aventure.
    C'est noté. ;)

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  5. @Avalon, ça a l'air intéressant ce club de lecture ! Oui le bouquin fait prendre conscience de la chance qu'on a de vivre en France, plus que dans bien des pays pourtant libéraux mais marqués encore par la religion.

    @Zina, la série est tellement bien faite et complète que je me demande vraiment si ça vaut le coup de lire le livre ensuite :)

    @Mypianocanta, c'est vrai qu'il vaut mieux avoir bon moral quand on lit ce livre mais je pense qu'il est à lire malgré le côté glançant.

    @Licorne, merci Licorne.

    Merci à vous 4 pour vos commentaires.

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  6. Coucou ^_^
    Super chronique ! Surtout que tu m'as appris certaines choses par rapport à l'époque où l'auteure a écrit ce livre.
    C'est de la vraie dystopie. On parle d'Hunger Games et compagnie qui sont plutôt des dystopie young adult (que j'adore, au demeurant), mais là on est vraiment dans la dystopie adulte.
    Je dois dire que j'adore la série et le livre, pour des choses différentes. Je sais que le style du roman est assez neutre, mais moi j'ai vraiment réussi à ressentir de l'empathie pour l'héroïne.
    Quand je regarde la série, je ressens de l'empathie pour tout le monde d'ailleurs, même pour Serena et les tantes (alors que dans le livre non). Par contre le commandant, je ne peux PAS me le voir !!!
    Des bisous !!!!

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  7. Coucou Arca, je suis désolée, ton commentaire était resté caché, je ne le découvre que maintenant ! C'est vrai que ce roman est une dystopie au même titre que 1984 ou Le meilleur des mondes. Pour ce qui est du livre/série, j'ai quand même franchement préféré la série, comme tu dis on y ressent de l'empathie pour tout le monde (sauf le commandant on est d'accord :)). Merci beaucoup pour ton commentaire !

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  8. Je viens de terminer le roman et je fais un petit tour sur la blogo pour voir comment il a été ressenti par les uns et les autres.
    Ton avis est très complet et passionnant, il replace bien les choses dans le contexte historique de l'époque, et le contexte actuel tendu...
    Je suis restée un peu sur ma faim avec le livre à cause de la forme très descriptive, très dépourvue d'émotions. Manifestement la série me satisfera davantage ! J'ai vu le premier épisode, les autres devraient suivre très vite, et j'ai trouvé que ça commençait très, très fort ! A suivre donc !

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  9. @Solessor, merci :) et oui le livre est assez frustrant pour beaucoup de choses. Et la série, heureusement, comble les trous et les manques, procure énormément d'émotion et est géniale. Merci pour ton commentaire.

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  10. J'ai adoré ce roman et je n'ai pas du tout ressenti de frustration. Peut-être parce que connaissant la série, j'ai pris le roman comme une version alternative (même si on est d'accord que le roman est l'origine) du fait je l'ai apprécié par les côtés qu'on ne voyait pas toujours dans la série notamment sur l'arrivée au pouvoir des enfants de Jacob, j'ai trouvé ça plus clair dans le roman.

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    1. Je n'ai pas ressenti de frustration non plus, juste que le style est un peu détaché et froid. Mais ça reste un roman percutant. Je dois lire la suite pour le Challenge ABC cette année et je dois t'avouer que j'ai un peu peur de me remettre dedans cet univers en ce moment... Merci pour ton commentaire, Wal.

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